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En passant

Les frontières invisibles en expatriation.

Cet article fait suite à cette vidéo concernant les Chutes d’Iguazú. Vous souhaitez en savoir plus? Dans cet article vous découvrirez en quoi cette région géographique est une porte ouverte au symbolisme et nous parle des frontières invisibles qui interviennent dans le quotidien de l’expatrié. Un lieu, des enjeux. Bonne Lecture !

 

Introduction :

Les chutes d’Iguazú sont connues internationalement pour leur impactante beauté représentant un ensemble de 275 cascades s’étendant sur 3 kilomètres ; mais aussi pour leur emplacement et son influence dans l’histoire de la conquête et de la colonisation espagnole et portugaise du territoire guarani. En Argentine, le nom de cette région en est l’héritier direct : Misiones, faisant référence aux missions jésuites qui s’y sont installées. Cette zone est devenue un emplacement stratégique dans l’histoire coloniale et dans le partage du territoire et l’est encore aujourd’hui.

Si l’on suit le fil de l’eau, la rivière Iguazú suit son chemin jusqu’à un croisement où elle se joint au fleuve Paraná. Cette union fluviale forme un beau et unique paysage qui, si d’un premier abord inspire un sentiment de continuité, dissimule en réalité l’existence d’un territoire complexe et divisé en trois pays: l’Argentine, le Brésil et le Paraguay que l’on nomme: la Triple Frontière.

Que vient nous dire ce lieu sur la question de la frontière? Nous verrons en quoi ce paradoxe union-désunion qu’offre la Triple Frontière est une métaphore des multiples frontières symboliques que les expatriés ont à traverser au quotidien.

I) Qu’est-ce qu’une frontière ?

Il existe des paysages, qui ont le pouvoir de placer l’humain face à lui-même et au monde auquel il appartient. Agissant comme un alter-ego il y a rencontre: le paysage reflète ce qui nous habite. Jung définit les archétypes comme des représentations symboliques inconscientes qui sont universellement partageables et qui se transmettent d’une culture à une autre, d’un individu à un autre par l’inconscient collectif. Généralement, ces représentations s’expriment à travers des figures, des songes mais certains éléments naturels, certains paysages peuvent aussi être classés dans ces archétypes de par l’universalité des émotions qu’ils nous transmettent: en nous inspirant en tant qu’individu les mêmes sentiments indépendamment de nos cultures, de nos origines ou de nos histoires. La frontière est l’un d’entre-eux et devient un espace fascinant devant lequel l’humain peut se révéler contemplatif. “On peut percevoir l’énergie spécifique des archétypes lorsque l’on a l’occasion d’apprécier la fascination qu’ils exercent. Ils semblent jeter un sort. » C.G. Jung ” L’homme et ses symboles “, Robert Laffont, 1964 p 78/79.

Fascinante car elle est cet espace de l’entre-deux, où se joue simultanément la jonction, l’union et la séparation. La frontière dans son incertitude est le lieu de tous les possibles, qui comme le feu, nous inspire simultanément grandeurs et dangers. Franchir une frontière c’est faire l’expérience du paradoxe et de l’inconnu. C’est le “destin” de l’expatrié, du migrant ou de l’exilé, qui d’une manière générale, s’inscrivent peut-être pour toujours, dans l’entre-deux.

Au long du périple, ce n’est pas UNE mais DES frontières que l’expatrié doit traverser. Voyons comment l’expérience de la Triple Frontière résiste à l’imposition implicite de devoir choisir entre : d’ou l’on vient et où l’on va.

II) Triple frontière, triple expatriation ?

La Triple Frontière est un carrefour incroyable et unique au monde qui au sein d’une même journée est capable de vous faire traverser trois réalités différentes. De touriste vous devenez malgré vous passeur et transgresseur de frontière en migrant du portugais à l’espagnol, d’une zone douanière contrôlée à une autre défiscalisée, ou se côtoient légaux, illégaux, natifs et expatriés à l’intérieur d’un même autobus, et ou suivant le sol ou l’on se trouve, les rôles s’intervertissent sans même avoir besoin de changer de siège (dans le bus). Mieux qu’un voyage dans le temps, c’est un voyage dans l’espace qui vous ai proposé. La schizophrénie du métissage peut alors s’emparer de vous et vous propulse d’un territoire à l’autre part des ponts qui, en tant qu’expatrié sont le symbole d’une continuité qui résiste à ce qui sépare ou divise.

Un brésilien vend à un mexicain une montre en parlant portugais, dans l’autobus à la frontière entre le Paraguay et l’Argentine. Voilà typiquement une scène quotidienne que nous fait vivre cette triangulation territoriale. On perd ses repères, on ne sait plus qui vient d’où, ni où l’on est. Il y a des lieux qui défient le sens commun et les carcans que l’on tente de construire pour catégoriser et contrôler ce qui est mouvant.

Peut-on parler de triple expatriation lorsqu’il existe des personnes vivant continuellement dans l’entre-deux, et dans ce cas précis dans l’entre-trois? Nous voyons bien que les pistes dans le réel se brouillent et que les définitions claires et précises nous font défaut. Une chose est sûre, être expatrié/e ici ou là-bas, c’est jouer entre/avec les frontières et les identités.

– Pourquoi devrait-on choisir entre un point de départ et un point d’arrivé ?
– Pourquoi notre trajectoire devrait-elle s’inscrire dans de la clarté ?
– Pourquoi nous demande-t-on de faire un choix entre notre appartenance d’origine et notre pays d’habitat actuel ?

Des questions qui peuvent se faire sentir par les Autres: vos proches, votre supérieur hiérarchique, ou le Ministère des affaires étrangères ; qui au final parlent plus de l’angoisse de votre interlocuteur que d’un réel sentiment personnel de déracinement.

Pourquoi, comme nous l’illustre le Triple Frontière, n’acceptons-nous pas de nous perdre entre ce qui est mien et ce qui ne l’est pas encore? Être expatrié ou migrant, c’est peut-être accepter et assumer que les appartenances qui nous ont été transmises et celles que l’on a acquise ne cesseront jamais de se mélanger, de se confondre créant ainsi en soi un sentiment de joyeux flou. Vivre à la frontière, c’est peut-être faire le choix de porter en soi une zone de non-droit psychique, qui au lieu de brouiller les pistes face au réel, augmentent votre capacité de réflexion et de création.

III) Les frontières invisibles de l’expatriation

Savoir jouer entre les frontières, disais-je. Mais de quelles frontières parlons-nous ? Lorsque l’on débute dans l’art de l’expatriation, votre attention est d’abord attirée par les frontières que je définis comme visibles. Elles sont bien souvent connues par avance et appréhendées par le futur expatrié. Ces frontières visibles représentent la 1ere expérience de la séparation d’avec l’Autre et simultanément ce qui vous lie aussi à lui: la douane et les autorités migratoires, la langue, les habitudes culinaires, la mode vestimentaire etc… Une fois ces frontières franchies, vous vous rendez compte dans le quotidien, de l’existence d’autres frontières qui elles, impalpables, agissent dans l’ombre et influencent grandement votre expatriation. C’est ce que je nomme : les frontières invisibles.

Car finalement, il s’agit de cela :
– comment réussir mon intégration?
– comment me sentir à l’aise dans des multitudes de nouvelles situations ?
– comment parvenir à ce que je veux?

Cela vous ai tous arrivé d’être au cœur d’une situation en apparence commune mais qui, sans raison apparente vous fait vivre un sentiment d’étrangeté. Qu’est-il en train de se passer? Votre intellect à peine saisit la complexité du moment, qu’il est déjà trop tard. Une porte vient de se refermer sans que vous ne compreniez totalement les raisons. C’est ainsi que se font sentir les frontières invisibles. C’est ce qui vous échappe et qui pourtant impactera profondément votre vie.

Dans le contexte de l’expatriation ou ces situations peuvent se multiplier d’avantages, il est d’autant plus urgent de maîtriser ces frontières invisibles. Chaque tentative qui se solde par un sentiment d’échec, ouvre la porte d’une spirale négative entraînant le sentiment de solitude, l’isolement et la baisse de l’estime personnelle. Il est donc urgent d’identifier ces frontières invisibles, de les maîtriser afin d’orienter votre expatriation vers une direction qui vous appartienne.

Si vous souhaitez une analyse personnelle de votre situation, n’hésitez pas à me contacter: expatpsy@gmail.com

Il existe plusieurs  frontières invisibles mais ici, je vous parlerai des principales:

– 1. Les codes culturels concernant la construction de la communication en fonction des rôles sociaux.

Suivant le genre auquel vous appartenez, vous serez placé dans telle catégorie plutôt qu’une autre. Ayez conscience que ce n’est pas tant votre personnalité qui est en jeu mais plutôt votre identité sexuelle. Ces rôles sociaux diffèrent d’un pays à l’autre. Prenez alors le temps d’observer comment s’établit la communication verbale et non-verbale entre hommes, puis entre femmes, puis entre femmes et hommes. Ce qui se dit, ce qui ne se dit pas, ce qui s’écoute, qui l’on écoute, à quel moment, sont autant d’éléments qui vous informeront sur le fonctionnement culturel des interactions. Vous pouvez dans un premier temps vous sentir en opposition au fonctionnement culturel, mais cela vous donnera des réponses au : pourquoi cela ne fonctionne t-il pas pour moi alors que pour mon conjoint/e, c’est le contraire? Ces informations recueillies seront des sources importantes pour vous aider à vous positionner différemment lors des échanges et à améliorer vos interactions.

– 2. Les codes culturels concernant la construction du lien amical ou amoureux.

Si vous êtes dans le cas ou vos interactions sociales vous semblaient plutôt fluides et naturelles jusqu’à présent, c’est un indice qui parlait de l’existence d’une cohérence entre vous et votre entourage. Cela signifie que vous evoluiez consciemment ou non, dans des sphères culturelles et sociales identiques ou semblables à la votre. L’expatriation peut venir bousculer cet équilibre en vous propulsant hors de votre zone de confort et en vous plaçant dans des sphères socioculturelles différentes. Vous faites alors le constat que vos codes sociaux précédents ne fonctionnent plus et que le lien d’amitié ne semble pas s’installer.

Suivant la culture, un proche ou un ami ne joue pas la même fonction et vous allez peut-être observer que la construction d’un lien intime dépend de critères bien différents. Ceci ne signifie pas que pour se sentir intégrer, l’on doive changer ses propres critères, ou valeurs. Mais cette compréhension vous permettra de se pas vous dévaluer. Peut-être est-ce aussi l’occasion de développer des valeurs qui sommeillaient en vous, mais qui dans un contexte culturel français, ne se développaient pas. Ainsi, petit à petit, vous parviendrez à vous reconstruire un nouveau cercle en cohérence avec vous.

– 3. Les réseaux.

Les réseaux sont des frontières invisibles et au combien influentes: ils n’existent pas dans le discours de vos interlocuteurs, ils ne sont pas franchement assumés et pourtant souvent ils influencent discrètement l’intérêt pour se rapprocher de telle personne, pour participer à telle activité ou côtoyer tel milieu.

L’influence des réseaux existent dans tous les pays et dans tous les milieux socio-culturels. Cependant leur structure ainsi que leur importance me semblent différentes. En tant que française, j’ai eu le réflexe de croire qu’en France l’implication des réseaux semble moins important au quotidien et n’influence pas autant les choix d’amitié ou de relation. Le recul et l’analyse sociologique me montrent que la seule différence est que les ayant intégré, nous les utilisons sans même nous en rendre compte. En expatriation, le tissage des réseaux passera par des voix différentes, les identifier et savoir jouer avec ces nouvelles règles, vous ouvrira des frontières qui vous étaient jusqu’alors fermées.

Parfois, il est nécessaire de faire appel à des professionnels interculturels afin d’analyser spécifiquement votre contexte culturel et de vous accompagner dans l’acquisition de nouveaux schémas en cohérence avec votre personnalité. N’hésitez pas à me contacter: expatpsy@gmail.com

Conclusion:

La difficulté de l’expatriation est liée à l’existence de ces frontières invisibles. Elles donnent l’impression de devoir s’inscrire dans des stratégies de calcul constant dans les liens, laissant alors peu de place à la spontanéité et au naturel. Sachez que ce n’est qu’une étape à franchir avant de comprendre le fonctionnement culturel de votre environnement et de pouvoir y réagir de manière plus instinctive. Essayez de voir cette étape comme un jeu dans lequel votre place est à réinventer et vous permet de vous surprendre. C’est ce qui explique que dans ce contexte les expatriés développent des qualités et compétences nouvelles. Ces frontières invisibles enseignent alors un nouvel adage : laissez-vous surprendre par vous-même. Pour conclure, je dirai que l’expérience de la frontière ou des frontières, par son caractère vaporeux, transparent voir transgressif, offre au passeur moderne un nouvel espace de création ouvrant de nouvelles perspectives d’être.

Cet article fait suite à cette vidéo concernant les Ruines des Quilmes, en Argentine. Vous souhaitez en savoir plus? Dans cet article vous découvrirez en quoi ce site archéologique nous parle du sentiment de déracinement en expatriation.

Un lieu, des enjeux. Bonne Lecture !

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