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Retour en France, choc ou pas choc ?

“La vraie nouveauté naît toujours dans le retour aux sources”. Edgard Morin

INTRO

Votre retour d’expatriation approche ? C’est un moment peut-être attendu avec impatience ou espéré avec une certaine retenue, car pour certains, l’ambivalence des émotions est peut-être au rendez-vous. La joie du retour se mêlant avec la tristesse de l’adieu, vous êtes déjà en train de vivre une étape: celle de l’entre-deux. Vous la connaissez bien, rappelez-vous : vous n’êtes pas encore la-bas, mais vous n’êtes déjà plus ici. Evidemment chacun de vos ressentis est singulier et vos raisons de rentrer en France, multiples. Nous ne pouvons généraliser mais sachez que vos raisons influenceront votre retour. Cela dit, quelque soit votre “pourquoi”, un élément vous concerne tous : le retour est toujours plus complexe que ce qu’on s’imagine.

CHOC CULTUREL INVERSÉ, VOUS CONNAISSEZ ?

Il est aujourd’hui bien connu et admis socialement que le choc culturel est important lors d’une expatriation dans un pays inconnu. Vous êtes maintenant expert dans ce domaine et cela vous a permis de développer finalement une grande confiance en vous. Le retour en France, comparativement, ne peut-être aussi éprouvant, vous dites-vous peut-être. Pourtant, sachez que ce choc existe aussi, on en parle de plus en plus mais il y a encore peu d’accompagnement concernant ce phénomène que l’on nomme : choc culturel inversé.

La définition qui semble la plus parlante est celle-ci: le sentiment de se sentir étranger dans son propre pays. Votre identité change, d’ ”expat” vous devenez “impat” (néologisme du terme d’expat). Vous connaissez la fameuse courbe U de l’expatriation fondée par Oberg, cette théorie a été développée par Gullahorn & Gullahorn et a donné naissance à la courbe W. Cette dernière met en lumière les phases de réadaptation qu’amène le retour chez soi.

Ce chercheur explique que ce choc culturel inversé est objectivement moins intense émotionnellement que le choc culturel. Cependant, subjectivement, il peut être ressenti plus intensément dû aux attentes que l’on cultive concernant le retour et dû aux méconnaissances de ses difficultés.

SE PRÉPARER

Je ne vous citerai pas les symptômes du retour qui, de manière générale, sont les mêmes que les symptômes ressentis en début d’expatriation. Mon objectif ici est de vous informer sur les raisons qui expliquent ce nouveau choc et de vous rassurer : il est fort probable et tout à fait normal que vous passiez par une phase de déprime. Il sera alors important de la reconnaître, de l’identifier, et de ne pas la laisser s’installer. Auquel cas, il ne faudra pas hésiter à vous orienter vers un professionnel.

  1. Les attentes

Comme il a été mentionné, les attentes positives du retour sont souvent dominantes et l’on envisage moins les futures difficultés. Pourtant, un élément primordial est à prendre en compte: votre propre évolution personnelle. Que cette expérience ait été ressentie comme positive ou négative, vous n’êtes plus celui/celle qui est parti/e. Et votre entourage n’est plus celui que vous avez laissé. Le désir, plus ou moins conscient de retrouver la vie d’avant, va se confronter au principe de réalité: cette vie n’existe plus. On note alors une double dimension: le sentiment d’étrangeté ressenti au contact du familier, et le sentiment d’étrangeté que ressentira vos proches, face à vous.

Evidemment, ce choc sera plus ou moins ressenti suivant la fréquence de vos précédents retours-éclairs en France. Mais vous le savez, passer des vacances est différent que de s’installer. Et le décalage entre vos proches et vous, se fera ressentir dans la quotidienneté de vos rapport, une fois la joie des retrouvailles passée.

  1. La manière dont s’exprime le malaise

La complexité de ce choc inversé, contrairement au choc de l’expatrié, réside dans le fait qu’il se cache dans les détails du quotidien: l’opinion d’un ami qui vous surprend, une réflexion désobligeante spontanée vous concernant surgit à table, un rythme de vie à “la française” difficile à retrouver, le manque de curiosité concernant votre expérience etc … Le malaise s’exprime de manière dérobée, casi sournoise, car il ne vous laisse pas le temps de réagir. La discussion est déjà passée à un autre sujet.

Tous ces moments, cumulés silencieusement les uns après les autres, expliquent les questionnements identitaires qui s’en suivent. En parler aux amis devient difficilement envisageable car l’incompréhension est au rendez-vous. De leur point de vue, eux n’ont pas changé, mais vous si. La possibilité de se reconstruire un nouveau tissu social se fait ressentir, et vous savez cette étape complexe.

  1. La vie professionnelle

Il est souvent dit qu’une expérience à l’étranger est un grand avantage sur un CV et auprès des recruteurs. La réalité est malheureusement plus complexe. Bien que vous ayez développé de nouvelles compétences, vous êtes sorti/e du réseau professionnel français. Il s’agira là aussi d’un départ à zéro. Dans le cas ou vous avez gardé contact avec votre ancien réseau, ce dernier ne vous correspond peut-être plus aujourd’hui. Il faudra alors trouver de nouveaux contacts plus en cohérence avec votre expérience et vos attentes actuelles.

  1. La qualité de son expérience interculturelle et l’identité culturelle

Plus vous avez réussi à vous sentir intégré à la culture du pays qui vous a accueilli en expatriation, plus vous l’avez incorporé, compris, aimé, plus cette culture fait à présent partie de votre identité et de votre histoire. Cette expatriation vous a peut-être permis de ressentir ce qu’est l’identité culturelle et de prendre conscience de ses impacts sur votre personnalité et vos opinions. Cela est effectivement une richesse mais accroît la difficulté à se réintégrer à sa culture d’origine. Car non seulement il s’agit d’un contenu intime non partageable avec ceux qui sont restés en France, mais parce que cette nouvelle partie de vous, aura du mal à trouver sa place dans un autre contexte culturel. Ce qui peut provoquer de la frustration, de la tristesse et de la nostalgie.

UN AUTRE POSITIONNEMENT COMME SOLUTION

Face à cette réalité, le réflexe émotionnel peut-être l’envie de s’expatrier à nouveau dans un autre pays. Ce qui explique les expatriations à répétitions et les difficultés de plus en plus croissantes à envisager un retour définitif en France.

Si votre objectif est de rentrer, laissez passer cette phase, car il s’agit alors plus d’une fuite en avant face aux difficultés que la construction d’un nouveau projet. Je vous propose trois éléments qui me semblent être une clé pour votre futur retour:

  • En amont de votre retour, dès à présent, profitez de cet espace que vous offre l’entre-deux pour vous préparer cognitivement. La pensée joue un rôle essentiel sur les émotions. Fermez les yeux, et visualisez-vous en France, ressentez la joie d’être de retour mais aussi les difficultés que vous pouvez deviner. Il s’agit d’un exercice mental efficace pour se préparer à une certaine désillusion. Plus vous construisez des attentes réelles moins vous souffrirez du choc et plus vite vous vous réadapterez.
  • Repositionnez-vous dans votre identité culturelle. Vous êtes français/e, certes, mais pas que. Vous avez développé une autre intelligence, d’autres réflexes, une autre vision et de nouvelles valeurs. Allez au-delà de cette identité territoriale et pensez-vous comme un être interculturel. Ainsi, vous n’avancerez pas vers la France comme si vous alliez vers une terre conquise, mais plus vers une terre à reconquérir, a redécouvrir.
  • Je pense qu’une expatriation est vraiment réussie et terminée lorsque le retour au pays d’origine est dépassé. Cette phase, fait partie intégrante du processus qui a commencé lorsque vous étiez dans votre vol aller, pour vivre cette expatriation. Car, je reviens de nouveau à un thème déjà présent dans mes articles précédents: le processus créateur. Ce n’est qu’à travers l’expérience du retour que l’on prend conscience de toute la richesse de sa propre expérience. Et ce n’est qu’à ce moment là, par son expression, qu’elle permet l’apparition de nouveaux possibles qui vous seront propres.

Je vous souhaite alors un bon retour, de vraies retrouvailles avec vous-même, et de nouvelles aspirations en perspectives. Bon voyage!

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4 Comments

  1. Marie

    Je trouve que vous avez tout à fait raison. C’est une attitude positive qui fera le succès. Je pense rentrer fin juin avec mon mari Irlandais. Cela fait plus de trente ans que j’ai quitté la France. Je doute bien que ce ne sera facile. Mais je le vois comme une aventure, un nouveau pays à découvrir. Être mantalement positif aide à accepter les choses moins faciles. Merci pour l’article.

    • Eddy Fam-digitale

      Je vous remercie Marie pour votre commentaire ! Je vous souhaite sincèrement un bon retour en France, c’est une belle tranche de vie que vous avez accompli en expatriation, maintenant une nouvelle vous attend 🙂 Et vous avez raison, l’état d’appréhension du changement compte pour beaucoup. Belle continuation à vous.

  2. Il arrive parfois que ce soit lors de cette etape que vous ayez a rentrer de nouveau au pays ou que vous le choisissiez. C’est alors que peut surgir le choc culturel inverse.

    • Eddy Fam-digitale

      Tout à fait, l’impatriation est une étape qui fonctionne sur un processus très semblable à la courbe de l’expatriation. Ce qui rend le retour complexe est bien souvent la méconnaissance de ce phénomène. J’espère contribuer à sa diffusion. Merci pour votre retour.

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